Quinta, 12.
On
se determine au long de sa vie. Se connaître parfaitement, c´est mourir.
Chaque
fois que j´entends un discours politique ou que je lis ceux que nous dirigent,
je suis effrayé depuis des années de n´entendre rien qui rende un son humain.
Ce sont toujours les mêmes mots qui disent les mêmes mensonges. Et que les
hommes s´en accommodent, que la colère du peuple n´ait pas encore brisé les
fantoches, j´y vois la preuve que les hommes n´accordent aucune importance à
leur gouvernement et qu´ils jouent, vraiment oui, qu´ils jouent avec toute une
partie de leur vie et de leurs intérêts soi-disant vitaux.
Tous
les hommes de ma race – qui savent qu´un point extreme de pauvreté rejoint
toujours le luxe et la richesse du monde.
Ce
n´est pas gai de voyager, ni facile. Et il faut avoir le goût du difficile et
l´amour de l´inconnu pour réaliser ses rêves de voyage lorsqu´on est pauvre et
sans argent.
Pour
être heureux, il faut du temps, beaucoup de temps. Le bonheur lui aussi est une
longue patience. Et le temps, c´est le besoin d´argent qui nous le vole. Le
temps s´achète. Tout s´achète. Être riche, c´est avoir du temps pour être
heureux quand on est digne de l´être.
La
politique et le sort des hommes sont formés par des hommes sans ideal et sans
grandeur. Ceux qui ont une grandeur en eux ne font pas de politique.
On
meurt seul. Tous vont mourir seuls. Que du moins l´homme seul garde ici le
pouvoir de son mépris et de choisir dans l´affreuse épreuve ce qui sert à sa
propre grandeur.
Excertos de Carnets I de Albert Camus. A meditar.